mercredi 5 février 2014

Le syndrome du distributeur automatique

L'autre jour, je suis tombé sur cet article.
Vous commencez à connaître mon esprit mal tourné, moi c'est immédiatement cette image qui s'impose à mon esprit.
Y a une certaine ressemblance entre Homer et Michel Sapin non?
Force est de constater qu'à ce jour dans notre pays, le chômage est l'une des préoccupations majeures de la population et de ses dirigeants, en même temps que le principal fléau d'une société déboussolée (enfin, ça et Secret Story, soyons honnêtes). Et comme pour tout fléau, il faut bien trouver un bouc émissaire, lequel peut bien évidemment varier selon la sensibilité politique, l'âge, le sexe, et le nombre de verres d'alcool ingurgités au préalable. Quelques exemples de boucs émissaires en vrac :

► pour les "Luddites" : c'est la faute du progrès, les machines remplacent les ouvriers dans les usines!
"Je veux ta femme, tes fringues, ton job et ton salaire! Pronto!"
► pour les transhumanistes : c'est la faute des freins au progrès, qui empêchent d’innover tranquille
► pour l'extrême droite : le lobby gaucho-judéo-islamo-maçonnique
► pour la droite : le laxisme de la gauche au pouvoir à la solde des syndicalistes fainéants
► pour le centre : la fiscalité trop lourde due à une mauvaise gestion des finances publiques
► pour la "gauche" : l'intransigeance de la droite au pouvoir à la botte du MEDEF
► pour l'extrême gauche : le complot des patrons voyous néo-libéraux-capitalistes du Bilderberg de Davos
► pour le péquin moyen : ces faux-culs de politiciens-droite-gauche-tous-les-mêmes à la solde des chinois
► pour les médias US : le manque de libéralisme économique
► pour les médias cubain : l'excès de libéralisme économique
► pour les scientologues : les thétans qui euh... après avoir brûlé dans les volcans parasitent nos esprits
► pour les machos : les femmes qui travaillent au lieu de s'occuper des mioches
► pour les femen : l'oppression patriarcale catho-islamo-fasciste
► pour beaucoup de monde : la crise

"C'est pas moi, c'est lui!"
Le problème des boucs émissaires,  c'est que ça sert surtout à focaliser l'attention sur d'autres problèmes. D'ailleurs, ce sont souvent des partis politiques qui font ça, pour masquer leur incapacité à trouver une réelle solution au problème.

Comme vous avez déjà pu le constater, il m'arrive parfois de m'improviser sociologue de comptoir et de vous pondre une bafouille un peu acide sur certaines déviances de notre société moderne . Je vais donc chausser mes bésicles, bourrer ma pipe, enfiler ma veste en tweed et tenter une analyse pertinente au doigt mouillé.
Tout de suite, ça rigole moins.
Concernant les causes du chômage, honnêtement, je ne sais pas (mais ho bon hein! je ne suis que sociologue de comptoir, pas expert hein...), mais je doute fortement de la validité de celles que je viens de lister. A titre personnel, j'accuserais plutôt le syndrome du distributeur automatique.

Explication : dans ces magnifiques engins (également surnommés "bouff'sous" dans la famille Hérisson-Koala) tout va bien jusqu'au moment où, VANINA et l'obsolescence programmée aidant, le bidule tombe en panne, et refuse alors de laisser tomber ton sandwich Sepabo® poulet-aux-hormones/tomate OGM/pain suédois. Evidemment, la machine refuse aussi de te rendre tes sous, et tu as beau taper et secouer le bouzin, rien n'y fait, tu peux juste contempler ce fichu sandwich à travers la vitre, en train de te narguer en équilibre parfait au bord de son étagère.
Déjà, en soi, c'est vexant. Mais le pire, c'est que la seule rangée qui semble fonctionner normalement, c'est celle des sandwichs dégueux au concombre-de-mer/artichaud-curry/pain-de-seigle que personne ne prend jamais parce que c'est inmangeable... Bien sur, non seulement l'employé qui va venir (minimum 3 jours ouvrés plus tard) ne va pas débloquer le rail défectueux (il se contentera d'enlever le sandwich coincé), mais de plus, il aura rechargé les emplacements vides non pas avec le bon sandwich au poulet-aux-hormones, mais avec le vilain sandwich au concombre-de-mer (dont il faut bien écouler les stocks puisque personne n'en prend).
Concombre de mer.
Accessoirement, l'entreprise qui fournit les machines finira par augmenter les prix, sur la base du faible débit des sandwichs au concombre de mer qui finit par leur coûter cher en invendus périmés. Dans le pire (ou le meilleur?) des cas, le distributeur est purement est simplement retiré puisque jugé non rentable. Ça se tient : si les gens voulaient vraiment des sandwichs, ils prendraient ceux au concombre-de-mer...
L'idée de mettre un distributeur plus moderne et non défectueux et de le garnir avec des sandwichs nouveaux et originaux est rejetée par le CE : trop cher. Et trop risqué : mieux vaut rester sur les valeurs sure comme le concombre de mer-artichaud-curry (c'est surement bon pour la santé, les gens n'ont qu'à se forcer, non mais ho!).
Rhaaaaaa! Cumuuuuuuuk!
Le chômage, c'est pareil : tout allait bien jusqu'à ce que le marché de l'emploi se retrouve bouché dans certaines catégories. Résultat : les vieux qu'on a viré ne retrouvent plus de boulot dans ces branches là, les jeunes qu'on a formé à ces métiers non plus, et ceux qui sont entre les deux serrent les fesses au gré des plans sociaux qui se succèdent. Il reste bien un peu d'emploi dans certaines branches, mais ce sont souvent des métiers peu attractifs et/ou à faible valeur ajoutée et/ou à faible salaire et il faudrait idéalement former ces gens pour les reconvertir dans ces métiers qui ne leur plaisent pas/qu'ils sont incapables d'exercer/pas attractif/mal payés (voire tout ça à la fois). Quand à l'idée d'encourager la création d'entreprises innovantes et d'activités nouvelles : c'est niet! Déjà ça coûterait cher et les caisses de l'Etat sont vides, et ensuite mieux vaut ne surtout pas prendre de risques, ouhla, ça risquerait d'être payant. Non, on va plutôt mettre le paquet sur les sandwichs au concombre de mer les boulots à la con à faible valeur ajoutée, et mettre la pression sur les conseillers de Paul Emploi pour qu'ils fournissent de beaux graphiques power point avec moins de chômeurs dessus. C'est important les graphiques power point. Ils se débrouillent comme ils veulent (exemple : ranger les chômeurs dans un autre slide en fin de diaporama, les colorier en blanc pour qu'on ne les voit pas, etc...), mais il faut que les graphiques soient beaux et montrent une inversion de la courbe.

Tout ceux qui ont été chômeurs et eut affaire avec ce cher Paul Emploi (et ses Paulettes) sauront de quoi je parle : fort de ce soutien inconditionnel jusqu'au plus haut de l'Etat, cet organisme s'est dédié avec un dévouement qui force l'admiration, à briser toute velléité de tentative d'embryon d'espoir de s'en sortir pour ceux qui s'y rendent.
"Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir"
Ainsi, ce brave Paul a réussi l'improbable synthèse de la lourdeur administrative soviétique et du cynisme comptable néolibéral dans le traitement des dossiers de demandeurs d'emploi : l'inscription nécessite le remplissage de moult formulaires & dossiers afin de préparer le rendez-vous avec un conseiller (sic) qui ne daignera même pas jeter un œil sur ceux-ci –par manque de temps, ou d'envie, ou juste pour vous embêter– avant de vous inscrire d'office pour une formation à la rédaction de CV,  la gestion d'entretien d'embauche, ou le nouage de cravate. Et si vous avez le malheur d'avoir plus de 50 ans, il ajoutera d'un air maussade que de toutes façons vous avez peu de chances de retrouver un emploi (sous-entendu : "pas encore mort à votre âge?"). Qu'à cela ne tienne, vous vous dites que vous ne compterez que sur vous-même, que vous allez monter votre boite et que vous avez juste besoin d'une formation rapide à la création/gestion d'une petite entreprise? Fuyez pauvres fous!
A plus de 50 ans, Gandalf est bon pour un bilan de compétence suivi d'un stage de rédaction de lettres de motivations. En boucle.
Finalement, Paul Emploi, c'est un peu une halte-garderie : vous y déposez votre chômeur, et on l'occupe avec des travaux manuels (remplissage de CV, de dossiers de demande de formation, etc...) et des jeux (formation rédaction de CV, bilan de compétences, etc...) dans une ambiance chaleureuse, jusqu'à ce que vous le récupériez le soir.

Bon, je ne sais pas si on peut réformer le marché de l'emploi pour résorber le chômage, mais à mon avis, on peut déjà réformer ce cher Paul : quitte à subir le paradoxe du distributeur automatique, pourquoi ne pas remplacer Paul Emploi par une sorte de gros distributeur automatique de chômeur? Les patrons arriveraient, mettraient une pièce dans le bitoniaux (voir leur carte bancaire, soyons fous), sélectionneraient leur chômeur, et repartirait avec celui-ci sous le bras, avant d'enlever le blister de retour dans leur entreprise. Bon, évidemment, au bout d'un moment, y a des chances que le distributeur tombe en rade et refuse de délivrer le chômeur surdiplomé visé, au profit des chômeurs syndiqués en situation de handicap dont personne ne veut, mais bon, ho hein! C'est ça ou rien!

4 commentaires:

  1. Ouh punaise! Encore un article qui file bon moral!
    Malheureusement, j'ai bien peur que tu aies raison!
    Plus qu'a se petit-suissider, du coup...

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    1. A titre personnel, je suis contre le petit-suisside : c'est du gaspillage. Je préfère les manger les p'tits suisses.

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  2. Bon, alors, il faut quand même rendre à César ce qu'il y a dans sa salade, le concombre de mer, bien épluché, tué d'un coup sec, et trempé dans un petit helvète, c'est ... délicieux ! On dirait une sauce tzadziki avec de l'échalote hachée...

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    1. Je n'en doute pas. Mais là on parle quand même d'un sandwich Sepabo®... même leurs sandwichs au poulet, on doute parfois que c'est du poulet alors...

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